Comment une plante s’est adaptée aux métaux lourds

Plomb, zinc, cadmium: ces métaux lourds qui nuisent gravement à la santé des humains, des animaux et des plantes ne préoccupent guère certaines espèces de corbeilles d’argent. Grâce à son adaptation génétique au cours de l’évolution, l’espèce étudiée peut pousser sur les sols contaminés par des métaux lourds. C’est ce qu’ont démontré des chercheurs du WSL, sur la base de plantes récoltées dans des sites présentant divers niveaux de pollution.

La région d'Olkusz, en Pologne, compte l'un des plus grands gisements de plomb et de zinc au monde, avec plusieurs mines toujours en activité. Elle détient aussi un triste record: celui des sols parmi les plus contaminés d'Europe, en ce qui concerne les métaux lourds. Les concentrations moyennes de cadmium, de zinc et de plomb peuvent en effet être de cinq à dix fois supérieures au seuil d'assainissement en vigueur en Suisse. Le développement de la végétation dans les friches industrielles est entravé car les métaux lourds ralentissent l'activité biologique du sol et inhibent certains processus importants dans les cellules végétales.

Pourtant, la corbeille d’argent étudiée  – l'arabette de Haller (Arabidopsis halleri) des botanistes –  prospère remarquablement bien dans cette région. Au cours de son évolution, elle a acquis une maîtrise particulièrement efficace de la détoxication de certains contaminants environnementaux. Des chercheurs de l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) et de l'Académie polonaise des sciences (PAN) de Cracovie ont mis ce phénomène en évidence dans une étude génétique. Celle-ci s’appuie sur une expérience de terrain en Pologne, au cours de laquelle des plantes provenant de quatre sols - deux contaminés et deux non pollués – ont été examinées.

Réaction aux stress environnementaux

Christian Sailer et Christian Rellstab, chercheurs au WSL, ont étudié l'ensemble du génome de ces plantes. «Selon que les plantes provenaient de sols pollués ou non, nous avons trouvé des différences frappantes à certains emplacements précis de leur génome», explique Christian Rellstab. «Il y a un lien probable de cause à effet entre l’adaptation de ces arabettes à la contamination du sol en métaux lourds et les modifications génétiques découvertes dans leur génome.» Les gènes concernés contrôlent les réactions des plantes à des conditions environnementales défavorables. Dans un cas, il s'agit du transport de métaux vers certains compartiments cellulaires, les vacuoles, dans lesquels les métaux lourds et autres toxines sont stockés et ainsi rendus inoffensifs. D'autres segments modifiés du génome contiennent l’information en vue de la réparation de dommages causés par les métaux lourds à des composants cellulaires ou à l'ADN.

Assainir le sol avec des plantes

Ces résultats, qui ont été publiés dans la revue Scientific Reports, sont importants pour l'assainissement des sites contaminés, potentiellement en Suisse aussi. D'après le registre des sites contaminés, plus de 30 000 sites d'une superficie totale de 220 kilomètres carrés sont pollués à des degrés divers par des produits chimiques et des métaux lourds, ce qui correspond à la superficie du canton de Zoug. Environ 4000 de ces sites sont en cours d'assainissement. La végétalisation constitue une des options pour la gestion des sites pollués, d’une part, parce que la végétation peut contribuer à stabiliser les polluants dans le sol, d’autre part, parce que les plantes peuvent absorber certains contaminants, qui seront ensuite éliminés lors de la récolte. Bien que l'arabette de Haller soit trop petite pour jouer ce rôle, elle est un excellent sujet de recherche. Non seulement elle supporte des concentrations extrêmement élevées de métaux lourds, mais elle peut aussi en absorber de grandes quantités présentes dans le sol et les stocker sans danger dans ses cellules. La présente étude montre que les gènes de transport, en particulier, jouent un rôle important à cet égard. Une meilleure compréhension de ces mécanismes pourrait permettre de cultiver des plantes particulièrement résistantes pour assainir les sols.

«Pour sélectionner les végétaux appropriés en vue de l'assainissement de sites pollués, nous devons connaître les mécanismes exacts de leur adaptation aux métaux lourds», explique Pierre Vollenweider, écophysiologiste au WSL. L'étude s'appuie sur l'expérience des chercheurs du WSL avec le génome de l’arabette de Haller et sur des projets de recherche antérieurs consacrés à l'adaptation des plantes aux métaux lourds et autres polluants environnementaux. La coopération avec les collègues polonais a débuté dans le cadre du premier programme Sciex et de la contribution par la Confédération à l'élargissement à l’Est de l'Union européenne.

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