Les cernes des arbres peuvent-ils annoncer des éruptions volcaniques?

09.03.2017  |  News

En cherchant de meilleurs indices pour les éruptions volcaniques à venir, des scientifiques de l’Institut fédéral de recherches WSL et de l’ETH Zurich sont tombés sur un candidat surprenant: les cernes de croissance des arbres pourraient annoncer les éruptions.

Ce système possible d’alerte précoce a attiré en 2001 l’attention de Nicolas Houlié, géophysicien à l’ETH Zurich. Il avait alors remarqué sur une image satellite une ligne verte d’une longueur de trois kilomètres sur le flanc nord-est de l’Etna. Cette couleur est signe que ce qu’on appelle l’indice de végétation par différence normalisée IVDN est élevé. Or, plus sa valeur est élevée, plus la végétation prospère à cet endroit. Elément surprenant: c’est précisément le long de cette ligne que le volcan a craché le feu un an plus tard.

Vulcanologues et dendrochronologues unissent leurs efforts

Les dendrochronologues s’accordent à dire qu’il y a un lien entre cette valeur IVDN et la croissance des arbres, et qu’elle se reflète donc dans la largeur des cernes. C’est la raison pour laquelle le géographe Ruedi Seiler, doctorant au WSL et le dendrochronologue Paolo Cherubini, responsable du laboratoire de dendrochronologieau WSL en collaboration avec Nicolas Houlié ont lancé, il y a quatre ans, un projet de recherche interdisciplinaire financé par le Fonds national suisse. Leur idée originale vient d’être publiée dans la revue spécialisée Scientific Reports: Les cernes de croissance des arbres donnent des informations sur l’activité volcanique et les éruptions.

Les cernes formés au cours de la période de croissance des arbres constituent en effet une importante archive de l’environnement: la largeur des cernes reflète les conditions de croissance des arbres combinant température, précipitations et nutriments pendant la période de végétation. «Sur l’Etna et dans d’autres régions volcaniques, il est possible que la largeur des cernes soit par ailleurs influencée par l’activité volcanique», présume Ruedi Seiler.

Brève phase pré-éruptive?

Sous la direction de Paolo Cherubini, une équipe de chercheurs a mené une première campagne d’échantillonnage le long des coulées de lave vomies par l’Etna en janvier 1974 sur sa façade ouest. En 1975, des chercheurs italiens avaient en effet également observé une anomalie sur les images satellites précédant l’éruption.

Ruedi Seiler a ensuite analysé une cinquantaine d’échantillons afin d’identifier d’éventuels signaux pré-éruptifs dans les cernes des arbres. Les chercheurs ont toutefois constaté que le cerne de croissance de l’été 1973 n’était ni particulièrement large ni étroit.

«Si l’activité volcanique influence effectivement les anneaux de croissance des arbres, la phase pré-éruptive de l’éruption de 1974 doit avoir commencé lorsque les arbres avaient déjà terminé leur croissance saisonnière», explique le doctorant. La durée calculée de la phase pré-éruptive, qui ne s’étend donc que sur quelques mois, correspond en tous cas aux résultats d’études géochimiques et géophysiques antérieures.

Croissance limitée après l’éruption

Alors qu’avant l’éruption de 1974, les arbres ne présentaient aucune variation de croissance, ils ont moins poussé que les autres années pendant les deux étés qui suivirent, comme l’indiquent les chercheurs dans Scientific Reports. «Cette observation présente un grand potentiel: nous pouvons peut-être également dater avec une bonne fiabilité de petites éruptions de flanc à partir des cernes de croissance», estime le vulcanologue Nicolas Houlié. Le comportement d’un volcan dans le passé peut en effet fournir des informations sur son activité future et ainsi permettre une meilleure protection de la population.

Grâce à une surveillance en temps réel à l’aide de GPS, de sismomètres et de détecteurs de gaz, les éruptions des vingt dernières années ont fait l’objet d’enregistrements précis., Les éruptions survenues au cours des 2000 années précédentes ne permettent pas une datation fiable. En revanche, on connaît relativement bien les phénomènes d’éruption encore plus anciens, grâce à la méthode dite du carbone 14. «Les données dendrochronologiques pourraient combler cette lacune d’information entre 20 ans et 2000 ans», estime avec optimisme Nicolas Houlié. Quoi qu’il en soit, les chercheurs veulent approfondir la question de savoir si les cernes des arbres peuvent être utiles dans la prévision des éruptions volcaniques.

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