La biodiversité marine tropicale peut s’expliquer par la dérive des continents

06.05.2016  |  News

Dans un article publié dans le journal Nature Communications, une équipe de recherche internationale démontre que la dynamique de la biodiversité tropicale marine peut s’expliquer par la dérive des continents au cours des 100 derniers millions d’années. Cette étude pluridisciplinaire a permis de quantifier pour la première fois l’importance des événements géologiques anciens pour expliquer la diversité et distribution actuelle des coraux et des poissons tropicaux.

Les scientifiques ont toujours été fascinés par le pic de biodiversité marine situé autour de l’Indonésie et des Philippines, dans ce que l’on appelle le Triangle de Corail. On y trouve environ trois mille espèces de poissons liés aux récifs coralliens, soit dix fois plus que dans l’est du Pacifique et de l’Atlantique pour une même latitude et pour ce même habitat. «Pour comprendre les raisons de cette diversité, il faut revenir 100 millions d'années en arrière. A cette époque, l'actuelle Amérique du Sud et l'Afrique formaient encore un seul continent, et l'Inde était une île de l'hémisphère sud», explique Loïc Pellissier, professeur à l'École polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ) et à l'Institut fédéral de recherches WSL, et un des auteurs de cette étude.

En effet, le Triangle de Corail n’a pas toujours été le point chaud de biodiversité marine. Les archives fossiles indiquent que la diversité des organismes marins tropicaux était maximale au niveau de la Téthys* occidentale pendant l'Eocène (56-33 Ma). Cette biodiversité a ensuite été maximale au niveau de la péninsule arabique et l'océan Indien occidental au cours de l'Oligocène (33-15 Ma). Ce n’est qu’à partir du Miocène (23-5 Ma) que la biodiversité marine tropicale s’est concentrée au niveau du Triangle de Corail.

Biodiversité marine déplacée

Les auteurs de cette étude ont démontré pour la première fois que la biodiversité marine tropicale s’était déplacée de la Téthys vers le Triangle de Corail suite aux mouvements des plaques continentales. Pour cela, ils ont construit un modèle décrivant la formation, l’extinction et la dispersion des espèces en se basant sur la répartition géographique potentielle des récifs coralliens qu’ils ont reconstruit depuis ces 140 derniers millions d’années. En étudiant les relations de parenté entre espèces pour une famille très diversifiée de poissons coralliens (les Labres), ils ont également montré que la biodiversité marine du Triangle de Corail était le fruit de la rencontre de faunes ayant une origine très différente et pour certaines très anciennes.

Les récifs coralliens, qui font l'objet de cette étude, sont sensibles aux changements de température et sont en danger dans le monde entier en raison du réchauffement climatique: la Grande Barrière de corail en Australie connaît actuellement le plus grand blanchissement des coraux dans son histoire. Dans ce contexte, il est important de comprendre que les écosystèmes des récifs d'aujourd'hui ont une très longue histoire. Il a fallu des millions d'années pour construire cette extraordinairement biodiversité marine, mais il pourrait prendre moins de 100 ans pour la détruire.

*La Téthys était une grande mer tropicale qui s’est ouverte d’est en ouest à partir du Permien (-290 millions d’années), séparant les supercontinents Gondwana au Sud (Afrique, Amérique du Sud, Australie, Inde et Antarctique) et Laurasia au Nord (Amérique du Nord, Europe, Asie). La Méditerranée est aujourd’hui une relique de la Téthys.

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