La limite de la forêt s’élève dans l’Oural grâce à un manteau neigeux plus épais

La limite de la forêt s’est élevée de quatre à huit mètres par décennie dans l’Oural au cours des 50 dernières années. La cause en est, non pas une augmentation des températures estivales comme on le supposait jusqu’ici, mais des précipitations hivernales plus abondantes. C’est ce qu’a démontré une étude de l’Institut fédéral de recherches WSL, en collaboration avec des collègues russes.

L’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL a étudié pour la première fois de manière complète la limite de la forêt dans l’Oural, en collaboration avec l’Institut d’écologie végétale et animale d’Ekaterinbourg. Ils ont passé au crible 450 photos historiques et actuelles du paysage, et déterminé l’âge de 11 100 arbres. Le dépouillement des données démontre pour la première fois sur une région très étendue que la limite de la forêt s’est décalée au cours du demi-siècle écoulé de quatre à huit mètres par décennie en direction des sommets. Cette extension est toujours en cours, car de nombreuses jeunes pousses couvrent le sol au-dessus de la limite actuelle de la forêt.

Par contre, la toundra, qui couvre dans l’Oural les zones au-dessus des forêts, voit sa surface régresser. Sur la plupart des montagnes du sud et du nord de l’Oural, elle va même vraisemblablement totalement disparaître, car aujourd’hui déjà la limite de la forêt arrive juste en dessous des sommets les plus élevés. Des forêts jeunes se sont établies aujourd’hui là où, il y a quelques décennies à peine, la toundra ouverte caractérisait les paysages.

Un manteau neigeux épais protège les jeunes arbres et les sols

Jusqu’ici, la science considérait que l’extension de la forêt en altitude était la conséquence de l’augmentation des températures estivales. Une analyse des paramètres climatiques locaux a cependant démontré que la température n’a que très peu évolué en été au cours du xxe siècle dans l’Oural. En hiver par contre, les températures sont plus élevées et les précipitations plus abondantes. Ces dernières ont même doublé en certains endroits, par exemple sur le cercle polaire.

Les scientifiques pensent donc que l’évolution des conditions hivernales, et notamment l’abondance des chutes de neige, a conduit à un décalage de la limite de la forêt dans l’Oural. L’épais manteau neigeux protège les jeunes arbres du gel, des fortes tempêtes et des dégâts provoqués par les cristaux de neige soufflée. En outre, la neige représente une bonne couche isolante sous laquelle le sol se refroidit moins. Les racines fines et l’approvisionnement en éléments nutritifs dans le sol sont favorisés, ce qui profite à la croissance des arbres. Les scientifiques du WSL et leurs partenaires russes, allemands et espagnols étudient dans le cadre d’un projet de l’UE comment le déplacement de la limite de la forêt influence diverses fonctions de l’écosystème, par exemple le stockage du carbone, la biodiversité et les cycles biogéochimiques.

Les résultats présentent un intérêt pour la Suisse, où la limite de la forêt se décale également en altitude. Cependant, l’étude de la relation avec les changements climatiques est pratiquement impossible chez nous, car la reforestation des alpages abandonnés est un autre facteur d’extension de la limite de la forêt en altitude. L’Oural, beaucoup moins soumis que les Alpes à l’influence humaine, est tout à fait adapté à l’étude du déplacement de la limite naturelle de la forêt en raison de l’évolution climatique.

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